J9 - Dimanche 12 novembre 2017 - Repos dominical

A l’injonction « il fait jour », comprenez : « au boulot ».               

Pas de « il fait jour » aujourd’hui, car nous sommes dimanche.               

Les feux de brousse noircissent l’environnement. Les agriculteurs brûleurs doivent être musulmans, puisqu’ils travaillent le dimanche. C’est l’herbe folle sur de la jachère alentour qui se consume ainsi. Les moutons la dédaignent, fins gourmets, voilà pourquoi elle grandit. La fumée est partout autour de notre case, pas du goût des insectes. Un oiseau de proie surveille la zone, à la recherche de mulots, ou criquets détalant devant les flammes. Les feuilles basses des arbustes tournent au bistre, perdant leur vert cendré. La technique du feu de brousse est contestée. Ce serait digne de paresseux sans faux ni débroussailleuse, mais pratiqué.

Aujourd’hui dimanche, gras’mat : lever sept heures. La messe n’est qu’à 7h50. Tisane d’Artemisia anti palud avalée, nous voilà en route comme Perrette, l’œil vif, la cheville souple, et l’air joyeux pour arriver à temps à la salle à manger. Les couleurs chatoyent à cette heure, et incitent à la photo. Le soixantième de seconde de l’obturateur ne nous met que peu en retard. C’est l’évangile des vierges sages et folles. Le père du foyer, Benoît Dansou, prêche sur cette sagesse que nous apporte le Christ.

Nous prions pour les bébés encore dans le ventre de leur mère, aujourd’hui où 18 fonctionnaires de l’ONU à Genève osent publier un texte réduisant les droits juridiques de ces bébés : les voilà exclus de la liste des personnes concernées et protégées par la Déclaration des Droits de l’Homme. La manœuvre introduit, vous l’aviez compris, un droit positif d’avorter, et dans la foulée une obligation d’organiser et de proposer le service d’avortement, sans alternative pour d’autres conduites.

Brusque montée d’adrénaline dans le ciel bleu d’Aledjo: un feu de brousse rase la clôture au nord du Foyer. De vives flammes s’élèvent, menaçantes. A la hâte, on balaye les feuilles mortes tombées cette nuit, combustible. Entorse à la règle du « on ne travaille pas le dimanche, jour du Seigneur ». Alertés par téléphone, nous arrivons. J’avais mal compris le message téléphoné, et confondu « photo de groupe » au lieu de « feu de brousse ». Un serpent détale, il était vert. Ce sont les plus venimeux. Peu après, le dispensaire reçoit un villageois piqué sérieusement ce matin. Il reçoit le sérum régulateur, et demeurera ici une semaine. On ne rigole pas avec ces petites bêtes.     
Un autre enfant à l’article de la mort était arrivé récemment, le sang complètement appauvri. Les médicaments ancestraux à base de bière n’avaient pas fonctionné. Seule l’injection de sérum dans les jours qui suivent peut le sauver. La paralysie des poumons guette, et le cœur ralentit.

Au menu du déjeuner : avocats de la propriété, brochettes de porc (archi) cuites au charbon de bois avec frites de patates douces et d’ignames, salade de fruits (papaye, pastèque rouge et autres). L’ordinaire du déjeuner est encore amélioré le dimanche. Aujourd’hui, voilà de bons chocolats. Mince n’est pas le paradoxe de pays producteurs de cacao, où le chocolat n’est pas disponible. Heureusement, dans leurs fontes, des visiteurs fournissent saucisson et chocolat. Avis aux amateurs.

Le Foyer d’Aledjo est une famille d’accueil de dix-sept membres. Dans cette école de courtoisie, on partage. Il suffit d’être attentif à une simple chose : vivre avec les autres.

Visite à pied à un centre de jeunes l’après-midi. Dénombrons ensemble l’implantation géographique à Aledjo de la religion catholique : la paroisse aux grands murs, le grand séminaire, le Foyer, ce centre de jeunes, et peut-être encore d’autres surprises à venir. Géographiquement, c’est la plus large implantation. Inversement proportionnelle à l’islam : son immobilier ne comporte que quelques micro-mosquées, quasi privées. Au recensement, c’est le nombre de musulmans le plus élevé, du moins officiellement. Le centre de jeunes est chrétien, lui, il n’a l’air de rien, vu de la route. Pourtant, il peut accueillir 100 jeunes pour des retraites, sa chapelle est récente. Ses ateliers sont permanents, couture, sculpture sur plâtre (crèches) ou sur bois, menuiserie, cannage, boulangerie.          
Miré et Marie, une jeune infirmière de passage, dévalisent l'étal de haute couture digne de S-Mode. La nouvelle collection est présentée sur des étals en teck, dans une case aux parois de palmes ajourées. Les couleurs des batiks africains sont en valeur, telles les tulipes à Keukenhof en Hollande en mai. Les bloomers habilleront les petits popotins de nos familles.

Le jour se couche tranquillement. Sa ouate grisée calme le crépitement des derniers feux de brousse. Sans déranger la tranquille ritournelle des insectes épargnés, criquets, épargnés. Le bêlement des agneaux se distingue de celui de leurs mères, en fonction de leur éloignement de notre oreiller. Que d’expériences utiles pour notre vie future.

Voyez, on n’a que peu à dire de nos journées. Elles sont moins variées que celles de Saint Jacques (blog « ultreiamiremanel ») ou celles du Brésil (blog « clarisseaubresil »), ou celle de la thèse de Cyprien (blog « thesedecyprien »). C’est sans mal que les pages se remplissent. Seul le délai pénible de chargement des photos sur le blog ralentit la publication. Bientôt, nous aurons une liaison WIFI dans notre case, et je pourrai passer la nuit à résoudre ces menus problèmes.